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Déficits immunitaires primaires : les mécanismes moléculaires

Professeurs Marie-Paule LEFRANC et Gérard LEFRANC

Université de Montpellier et Laboratoire d'ImmunoGénétique Moléculaire, LIGM, UPR CNRS 1142, Institut de Génétique Humaine,
141 rue de la Cardonille, 34396 Montpellier Cedex 5 (France)
Tel. : +33 (0)4 11 75 97 28 /+33 (0)4 11 75 97 29 - Fax : +33 (0)4 34 35 99 01
E-mail Marie-Paule.Lefranc@igh.cnrs.fr, IMGT: http://www.imgt.org
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Introduction

On estime à environ 80 le nombre de déficits immunitaires héréditaires. Relativement peu fréquents, quoique non exceptionnels (1 cas pour 5 000 naissances), ils entraînent, dans les cas les plus graves, un SCID (Severe Combined ImmunoDeficiency) ou DICS (Déficit Immunitaire Combiné Sévère) mortel, sauf à pouvoir réaliser une greffe de moelle osseuse avec un donneur HLA compatible ou, dans un avenir plus ou moins rapproché, une thérapie génique.

Défauts enzymatiques : Intoxication par des substrats toxiques

Déficit en adénosine désaminase (ADA) : Immunodéficience T

Le déficit en adénosine désaminase (ADA) (OMIM:102700) entraîne une alymphocytose (ou lymphopénie). Ce déficit immunitaire est le premier caractérisé au niveau moléculaire. Il est dû à une mutation ou une délétion du gène de l'ADA (localisé sur le chromosome 20) et affecte principalement le système immunitaire, bien que le gène soit exprimé de manière ubiquitaire. ADA est une protéine de 40 kD qui catalyse la conversion irréversible de l'adénosine en inosine dans le cycle des nucléotides purines. Le déficit en ADA entraîne une accumulation de désoxyadénosine et une augmentation de dATP, d'environ 100 fois, dans les lymphocytes lymphoïdes. Ce nucléotide inhibe l'activité ribonucléotide réductase et la synthèse des autres désoxynucléotides (dNTPs), ce qui empêche la synthèse et la réplication de l'ADN et donc la division cellulaire. La sévérité des symptômes, le nombre de lymphocytes et le taux d'Ig produites sont très variables. Cette maladie peut être traitée par la transplantation de moelle osseuse ou, dans quelques cas, par un traitement d'ADA stabilisé par de l'éthylène glycol (PEG). Des essais de thérapie génique ont commencé.

Déficit en purine nucléoside phosphorylase (PNP)

Le déficit en purine nucléoside phosphorylase (PNP) (OMIM:+164050) provoque un déficit T progressif selon un mécanisme analogue. Il est dû à une mutation du gène PNP (localisé sur le chromosome 14). L'enzyme agit à la fois sur les ribonucléosides et désoxyribonucléosides (la déoxyadénosine doit d'abord être déaminée en désoxyinosine par l'ADA avant d'être un substrat pour la PNP). La PNP catalyse la conversion d'inosine en hypoxanthine. De plus, elle catalyse la conversion de guanosine en guanine. Le déficit en PNP entraîne une accumulation de désoxyguanosine et de dGTP. Ce nucléotide inhibe la ribonucléotide réductase, et donc la synthèse des autres désoxynucléotides et par suite la synthèse de l'ADN. Le phénotype est principalement celui d'une immunodéficience T. Les cellules B sont moins affectées, peut-être parce qu'elles métabolisent la désoxyguanosine de manière différente des cellules T, mais l'immunodéficience T va avoir des répercussions négatives sur l'activation des B.

       ADA              PNP
Adénosine  →  Inosine    →  Hypoxanthine
                        PNP
              Guanosine  →  Guanine

Tableau 1 - Défauts enzymatiques

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
ADA adenosine deaminase 20q13.11 102700 severe combined immunodeficiency due to adenosine deaminase deficiency 102700
NP nucleoside phosphorylase 14q13.1 164050 nucleoside phosphorylase deficiency 164050

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC).

Défauts de présentation des antigènes

Défaut d'expression des molécules HLA de classe II (HLA-DR, -DQ, -DP) : Immunodéficience B

Le syndrome des lymphocytes nus (ou Bare Lymphocyte Syndrome, type II BLS) (OMIM:#209920) est une forme de SCID rare caractérisée par une déficience de l'expression des molécules HLA de classe II due à un défaut de transcription. C'est une maladie autosomale récessive caractérisée par de graves désordres immunitaires, de nombreuses infections, un défaut de différenciation et une absence d'activation des lymphocytes T CD4+. Les défauts moléculaires peuvent être divisés en 4 ou peut-être 5 groupes de complémentation.

Tableau 2 - Défauts de présentation des antigènes par défaut d'expression des HLA de classe II

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Groupes de complémentation Nom complet ID OMIM
MHC2TA CIITA, class II Trans Activator 16p13 600005 A Bare lymphocyte syndrome, type II BLS,
HLA class II-negative SCID
209920
RFXANK RFXANK 19p12 603200 B
RFX5 RFX5 1q21.1-q21.3 601863 C
E
RFXAP p36 13q14 601861 D

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Absence de switch et de mutations somatiques : Hyperimmunoglobulinémies M (HIGM)

Normalement, à l'issue de la différenciation B, les lymphocytes B naïfs présentent des IgM et des IgD à leur surface. Les lymphocytes B activés par les lymphocytes T, à la suite de la reconnaissance de l'antigène, prolifèrent, se différencient et expriment les autres isotypes d'Ig (IgG, IgA, IgE) grâce au mécanisme de commutation de classes (Figure 1). Parallèlement des mutations somatiques nombreuses (phénomène d'hypermutation somatique) se produisent avec pour résultat une augmentation d'affinité des sites anticorps. Plusieurs causes génétiques peuvent empêcher ces événements, entraînant des immunodéficiences avec hyperimmunoglobulinémies M (HIGM).

HIGM1 : absence ou anomalie fonctionnelle du CD40L (liée à l'X) (OMIM:#308230)

Le ligand de CD40 ou CD40L (TNFSF5, CD154, gp39, TRAP (pour TNF-Related Activation Protein car il présente une homologie avec le TNFα)) (Figure 2), est exclusivement exprimé à la membranedes lymphocytes T CD4+ activés et de quelques lymphocytes T CD8+. CD40L forme, comme le TNFα, des homotrimères. Son interaction avec CD40, qui lui est exprimé sur les lymphocytes B, participe à l'activation de ces derniers. Une anomalie structurale et fonctionnelle de CD40L entraîne un défaut de coopération entre les lymphocytes T et B : il en résulte l'absence de commutation de classes (d'oè l'absence des IgG, IgA et IgE compensée par des taux élevés des IgM) (Figure 3) et de mutations somatiques (d'oè affinité plus faible des IgM). Cette maladie récessive liée à l'X est causée par des mutations du gène CD40L ou TNFSF5 (selon la nomenclature du HUGO Gene Nomenclature Commitee HGNC, localisé en Xq26 (CD40L Defect database).

HIGM2 : absence ou anomalie fonctionnelle de la cytidine désaminase (AID) (autosomale) (OMIM:#605258)

C'est une forme autosomale récessive du syndrome d'hyperimmunoglobulinémie M due à un déficit en AID, résultat de mutations du gène AICDA (Activation-induced cytidine deaminase) localisé en 12p13. L'enzyme AID est spécifique des lymphocytes B activés ; son rôle est de provoquer la désamination de la cytosine en uracile. L'absence de l'expression de cette enzyme dans les lymphocytes T explique l'absence de mutations somatiques au niveau des gènes réarrangés V-J et V-D-J des TR et des domaines variables correspondants.

HIGM3 : absence ou anomalie fonctionnelle du CD40 (autosomale) (OMIM:#606843)

Cette forme autosomale récessive est due à l'absence ou à une anomalie fonctionnelle du CD40 exprimé à la surface des lymphocytes B. Comme pour l'HIGM1, il en résulte un défaut de coopération des lymphocytes B et T et l'absence de commutation de classes et de mutations somatiques.

HIGM4 : gène et protéine en cours d'identification : pas de switch mais mutations somatiques (OMIM:608184)

Les patients atteints de HIGM4 sont touchés par une forme spécifique de déficience de commutation de classe (CSR, Class-Switch Recombinaison), associée à des mutations somatiques normales. Le manque d'activité de l'AID est probablement la conséquence directe du défaut d'une protéine de la CSR impliquée dans la réparation de l'ADN ou la conséquence indirecte d'un défaut de signal de survie nécessaire à la commutation de classe des lymphocytes B.

HIGM5 : absence ou anomalie fonctionnelle de l'uracil-DNA glycosylase (UNG) (autosomale) (OMIM:#608106)

Cette forme autosomale récessive du syndrome d'hyperimmunoglobulinémie M est due à un défaut d'UNG (uracil-DNA glycosylase), résultat de mutations du gène UNG localisé en 12q23-q24.1. Le rôle de cette enzyme est d'enlever l'uracile résultant de l'action de l'AID.

Thérapies

Les thérapies proposées sont soit l'injection répétée d'immunoglobulines, soit l'administration de protéines recombinantes. Cependant, on observe souvent une prolifération excessive des lymphocytes B qui infiltrent et attaquent les organes vitaux tels que les poumons et le foie.

Tableau 3 - Immunodéficiences avec hyperimmunoglobulinémies M (HIGM)

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
TNFSF5 tumor necrosis factor ligand superfamily, member 5 Xq26 300386 CD40L,
CD154,
gp39,
TRAP (TNF-Related Activation Protein)
HIGM1 X-linked recessive hyper-IgM sydrome 1 308230
AICDA activation-induced cytidine deaminase 12p13 605257 HIGM2 autosomal recessive hyper-IgM syndrome 2 605258
TNFRSF5 tumor necrosis factor receptor superfamily, member 5 20q12-q13.2 109535 CD40 HIGM3 autosomal recessive hyper-IgM syndrome 3 606843
HIGM4 autosomal recessive hyper-IgM syndrome 4 608184
UNG uracil-DNA glycosylase 12q23-q24.1 191525 HIGM5 autosomal recessive hyper-IgM syndrome 5 608106

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC).

XLA, Agammaglobulinémie liée à l'X : Immunodéficience B

XLA (Agammaglobulinémie liée à l'X), Maladie de Bruton (nom donné en l'honneur du Colonel Ogden Bruton, MD, qui a "découvert" et décrit pour la première fois la maladie en 1952).
Les mutations de BTK (ATK, BPK) entraînent un blocage pré-B - B (OMIM:300300)

On observe un blocage de la maturation des cellules pré-B en lymphocytes B matures dans la moelle osseuse, d'oè absence de lymphocytes B circulants et d'Ig. Cette transition est normalement possible grâce à une protéine tyrosine kinase BTK, aussi appelée ATK (Agammaglobulinemia Tyrosine Kinase) ou BPK (B cell Progenitor Kinase). La protéine BTK est absente ou défectueuse chez les patients atteints de XLA.

Le gène BTK est porté par le bras long du chromosome X (Xq21.3-q22).

La protéine tyrosine kinase BTK (659 aa) est caractérisée par :

BTK possède un site d'autophosphorylation dans le domaine kinase mais ne possède ni la tyrosine subterminale à l'extrémité COOH impliquée dans la régulation négative, ni la séquence consensus de myristylation en N-terminal.

BTK est exprimée dans les lymphocytes B et les cellules myéloïdes. BTK est impliquée dans le signal de transduction via le BcR, dans les lymphocytes B, ainsi que lors de la réponse des lymphocytes B à la stimulation via CD40, IL-5R et CD38.

Chez les femmes, un des deux chromosomes X, dans chaque cellule somatique, est inactivé au hasard pendant l'embryogenèse. Chez les femmes hétérozygotes pour l'allèle BTK muté (porteuses XLA), les lymphocytes B, à la différence des autres cellules, montrent un biais de cette inactivation en ce sens que l'X inactivé porte toujours le gène BTK muté et l'X actif le gène BTK normal. Ceci s'explique par le fait qu'au cours de la différenciation des lymphocytes B , seuls ceux dont l'X actif porte le gène BTK normal achèvent leur différenciation, alors que les autres dont l'X actif porte le gène BTK muté ne peuvent pas se développer et sont éliminés. C'est pourquoi les femmes hétérozygotes ne présentent pas de déficit humoral et sont en bonne santé (Figure 4).

BTK est la première protéine kinase décrite dont une mutation résulte en un blocage sélectif de la différenciation des lymphocytes B (Figure 5).

Importance pour :

L'homologue du gène BTK chez la souris est le gène Xid, bien qu'il y ait des différences dans le phénotype (les souris Xid ont un grand nombre de lymphocytes B périphériques et des Ig de tous les isotypes). Les souris Xid ont une mutation R28>C dans le domaine PH du gène Xid.

Tableau 4 - Immunodéficiences B

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
BTK Bruton agammaglobulinemia tyrosine kinase Xq21.3-q22 300300 ATK,
PBK,
XLA
XLA Bruton agammaglobulinemia X-linked 300300

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Immunodéficiences T

Défauts des chaînes CD3 du TR

SCID associées à des défauts des chaînes CD3 γ et ε du TR (Figure 6).

Deux déficits immunitaires liés à un défaut du gène CD3E (OMIM:186830), soit du CD3G (OMIM:186740), ont été décrits. Les patients déficients en CD3G ont un déficit préférentiel en CD8+.

Forme autosomale récessive de SCID due à des mutations de ZAP70

RAPPEL
PTK spécifiques de l'activation T (IMGT Lexique)

Le déficit en ZAP70 entraîne une immunodéficience T (OMIM:176947) et affecte également les cellules NK.
Découverte en 1994 de patients immunodéficients dépourvus de ZAP70.

Les lymphocytes périphériques T de ces patients sont non fonctionnels (phosphorylation très réduite des protéines cellulaires, concentration intracytoplasmique de Ca2+ anormalement élevée, pas de synthèse détectable d'IL-2). Ils ne prolifèrent pas en réponse aux mitogènes mais le font en réponse à des stimulus qui évitent l'activation par le TR (combinaison d'un activateur de la PKC (phorbolesters) et d'un ionophore du Ca2+). Ceci montre que le défaut de la signalisation se trouve en amont, à une étape proche du TR lui-même (Figure 9). L'absence de signalisation par le TR est associée à un défaut de ZAP-70. La protéine ZAP70 n'est pas détectée dans les lymphocytes T CD4+ des patients. Les études familiales ont montré qu'il s'agit d'une forme autosomale récessive de SCID.

Rôle de ZAP70

Syk et ZAP70 sont exprimés à la fois dans les lymphocytes T CD4+ et CD8+, mais SYK (OMIM:600085) est présent à des taux 4 fois plus élevés dans les thymocytes que dans les lymphocytes T périphériques. SYK pourrait jouer un rôle préférentiel dans la sélection positive des thymocytes immatures qui donnent naissance aux lymphocytes T CD4+. ZAP70 est également présent dans les cellules NK.

Tableau 5 - Immunodéficiences T

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
CD3E CD3 antigen epsilon, subunit 11q23 186830 T-cell receptor/CD3 complex immunodeficiency 186830
CD3G CD3 antigen gamma, subunit 11q23 186740 immunodeficiency due to defect in CD3-gamma 186740
ZAP70 zeta-chain-associated protein kinase 2q12 176947 protein tyrosine kinase ZAP70 STD selective T-cell defect, STD immunodeficiency due to ZAP70,
SCID due to ZAP70 deficiency
176947

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Anomalie de la différenciation des précurseurs lymphoïdes T et NK

XSCID (X linked Severe Combined ImmunoDeficiency) dû à l'absence de la chaîne γc (gamma commune) des récepteurs de cytokines IL-2R, IL-4R, IL-7R, IL-9R, IL-15R et IL-21R.

Le phénotype de SCID le plus fréquemment rencontré est lié à l'X (XSCID). Il est caractérisé par une absence de lymphocytes T et de lymphocytes NK, alors que les lymphocytes B sont en nombre élevé mais peu fonctionnels. Comme les autres SCID, ce SCID lié à l'X peut-être guéri par allogreffe de moelle osseuse, ce qui indique la nature intrinsèque du défaut. La localisation du gène codant la chaine γc (gamma commune) en Xq13 a conduit à l'identification du gène (IL2RG) muté dans la maladie (OMIM:308380).

Le cas le plus connu de XSCID est celui de l'enfant-bulle de Houston qui vécut 12 ans dans une bulle stérile. L'enfant est décédé à la suite de complications associées à la transplantation de moelle osseuse déplétée en lymphocytes T de sa soeur de même haplotype.

Les patients XSCID ont un nombre normal ou moins élevé de lymphocytes B, mais leur fonction est anormale avec des taux diminués d'Ig et des réponses faibles lors de l'immunisation.

Le gène muté IL2RG (codant γc) est responsable du XSCID. En effet :

Dans les lymphocytes B des femmes porteuses XSCID, le chromosome X inactivé est celui qui porte la mutation, alors que l'inactivation du chromosome X est au hasard dans les autres cellules. Ceci indique que la chaîne γc joue un rôle dans la maturation des lymphocytes B.

RAPPEL
IL-2R (IMGT Lexique)

La sévérité du XSCID résulte du fait que γc est une chaîne commune à de nombreux récepteurs de cytokines (IL-2R, IL-4R, IL-7R, IL-9R, IL-15R et IL-21R). IL-2, IL-4, IL-7, IL-9, IL-15 et IL-21 (dont les récepteurs contiennent γc) induisent la Tyr phosphorylation de tyrosines de nombreux substrats cellulaires, en particulier celle des kinases JAK1 et JAK3 de la famille JAK (JAnus protein tyrosine Kinase) .

Les chaînes IL-2Rβ, IL-4R, IL-7R et IL-9R sont associées à JAK1 tandis que la chaîne γc est associée avec JAK3.

Il est vraisemblable que IL-15R, qui comprend IL-2Rβ et γc, active JAK1 et JAK3.
L'activation de JAK3 (voie de signalisation JAK3/STAT) est essentielle dans la maturation intrathymique ou la sélection des lymphocytes T.

L'interaction IL-7/IL-7R, dont l'expression est précoce dans la lignée lymphoïde, joue un rôle important dans la prolifération des précurseurs lymphoïdes immatures, préthymiques.

Les XSCID peuvent résulter de mutations γc qui interfèrent :

Des délétions partielles de IL2RG et une mutation ponctuelle de IL2RG, qui entraîne une XCID modérée, décroît l'association de γc et de JAK3.

L'identification des mutations de IL2RG dans les XSCID

Essais réussis de thérapie génique (avec cependant des complications pour 2 enfants)

SCID autosomal récessif dû à des mutations de JAK3

Des mutations de JAK3 (OMIM: 600173) sont responsables de cas d'immunodéficiences autosomales récessives similaires aux XSCID ou aux XCID T- B+. Les patients décrits sont homozygotes pour une mutation, soit hétérozygotes pour 2 mutations différentes. Des molécules qui perturberaient l'association γc-JAK3 pourraient être des immunosuppresseurs.

Tableau 6 - Anomalies de la différenciation des précurseurs lymphoïdes T et NK

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
IL2RG Interleukin 2 receptor, gamma Xq13 308380 CD132 antigen
CD132
XSCID X linked Severe Combined Immunodeficiency,
SCIDX1,
X-linked SCID
300400
JAK3 Janus kinase 3 19p13.1 600173 T-B+SCID autosomal recessive T cell negative,
B cell positive SCID
IL7R Interleukin 7 receptor 5p13 146661 T-B+NK+SCID autosomal recessive T cell negative,
B cell/NK cell positive SCID
146661

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Anomalies des réarrangements des gènes d'IG et des TR et anomalies de réparation de l'ADN

Phénotype SCID autosomal récessif caractérisé par l'absence de lymphocytes T et B

Souris scid et groupes de complémentation XRCC

L'étude du modèle murin scid s'est révélée très intéressante. Chez cette souris, il existe un défaut de réarrangement des gènes des TR et des IG caractérisé par une anomalie de jonction des régions codantes. On observe une accumulation d'extrémités codantes oè les deux brins d'ADN sont reliés en épingle à cheveux. De plus, les cellules de la souris scid ne réparent pas correctement les cassures double brins de l'ADN induites, par exemple, par les radiations ionisantes. Les souris scid sont déficientes dans le processus de recombinaison utilisé à la fois pour la réparation de l'ADN double brin et les réarrangements V(D)J. Le phénotype de ces souris implique à la fois une hypersensibilité cellulaire aux radiations ionisantes et une absence d'immunité B et T. Il a été montré qu'il était possible de complémenter ce déficit par un fragment de chromosome 8 humain. Le gène responsable a été identifié en 8q11. Il code la Protéine Kinase dépendante de l'ADN, ou DNA-PK p350.

La DNA-PK p350 est un candidat pour le défaut murin scid. Cette sérine/thréonine kinase doit se lier à l'ADN pour être activée. Elle se fixe sur les brins d'ADN cassés après liaison du complexe protéique Ku lors du processus de réarrangement V(D)J et lors de la cassure de l'ADN double-brin provoquée par les radiations ionisantes. Le complexe Ku qui se lie à l'ADN est un dimère de Ku70 (initialement caractérisé comme un autoantigène dans le lupus) et Ku80. L'unité catalytique DNA-PK est une protéine de 350 kDa. Après activation, DNA-PK phosphoryle un grand nombre de substrats dont p53, les sous-unités Ku, les protéines RAG et plusieurs facteurs de transcription. Son rôle exact dans le réarrangement des gènes des TR et des IG et dans la réparation des cassures d'ADN n'est pas encore connu.

Plusieurs lignées cellulaires de rongeurs qui montrent le double défaut pour la réparation de l'ADN et les réarrangements V(D)J ont été identifiés. Quatre groupes de complémentation ont été établis et 4 chromosomes humains complémentent le phénotype des lignées.

Tableau 7 - Groupes de complémentation

Gènes du groupe de
complémentation (X-Ray Cross-Complementing group)
Souris Lignées cellulaires mutantes CHO de Hamster Complémenté par chromosome humain Gène Protéine OMIM
XRCC4 XR-1 5q13-q14 XRCC4 194363
XRCC5 xrs-5, xrs-6 2q35 XRCC5 Ku80 194364
XRCC6 sxi-1 22q11-13 G22P1 Ku70 152690
XRCC7 scid V3 8q11 PRKDC DNA-PK p350 600899

Mutations de RAG1 et RAG2 observées dans certains déficits immunitaires combinés sévères avec absence de lymphocytes T et B

Des mutations de RAG1 (OMIM:179615) et RAG2 (OMIM:179616) (localisés à 11p13) sont responsables d'une impossibilité d'initiation des réarrangements et sont observées dans le syndrome de Omenn (OMIM:603554).

Mutations du gène DCLRE1C (ou Artemis)

La protéine DCLRE1C forme un complexe avec la protéine kinase dépendante de l'ADN (PRKDC, tableau 7). La formation du complexe et la phosphorylation de DCLRE1C par PRKDC permettent les activités enzymatiques qui entraînent l'ouverture des épingles à cheveux (hairpins) des recombinaisons V-(D)-J.

Des mutations du gène DCLRE1C (DNA cross-link repair 1C), localisé sur le chromosome 10 (10p13) (OMIM:605988), sont observées chez des patients présentant une SCID associée à une sensibilité cellulaire accrue aux radiations ionisantes (RS-SCID, OMIM:602450).

Tableau 8 - SCID associée à une sensibilité aux radiations ionisantes

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
DCLRE1C DNA cross-link repair 1C 10p13 605988 Artemis,
SCIDA (Severe Combined ImmunoDeficiency, type A (Athabascan ou Artemis))
RS-SCID Severe combined immunodeficiency with sensitivity to ionizing radiation 602450

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Défaut de fonctions effectrices

Hypogammaglobulinémies

Granulomatoses septiques chroniques

Les granulomatoses septiques chroniques (OMIM:306400) représentent un ensemble de maladies qui se manifestent par des infections bactériennes et fongiques graves, entraînant la formation d'abcès et de granulomes au niveau des organes lymphoïdes, des poumons et du foie. Les granulomatoses sont le plus souvent liées à l'X, mais il existe des formes autosomiques récessives. Toutes sont dues à l'incapacité des cellules phagocytaires (monocytes et polynucléaires) à tuer les bactéries phagocytées. A la suite d'une mutation affectant la synthèse de l'une des quatre protéines impliquées dans la chaîne du transport des électrons vers l'oxygène, elles ne peuvent produire les radicaux oxygénés chargés de détruire les bactéries.

Immunodéficiences dues à des anomalies des lysosomes sécréteurs des lymphocytes T cytotoxiques CD8+

a. Transport du Trans-Golgi vers la membrane

Dans le réseau du Trans-Golgi, les protéines destinées aux vésicules sécrétoires (*) sont envoyées vers l'endosome tardif. L'endosome tardif contient également des protéines qui viennent de la surface cellulaire (comme CD63, CTLA4) ((1) Figure 11).

Après l'activation des lymphocytes T cytotoxiques par une cellule présentant un peptide antigénique associé à un CMH de classe I (par exemple, cas d'une cellule infectée par un virus), les vésicules sécrétoires des lymphocytes T, attachées au réseau de microtubules, migrent vers la synapse immunologique grâce aux dynéines ou protéines motrices ((2) Figure 11).

Après la fusion de la membrane des vésicules avec celle du lymphocyte T cytotoxique, il y a relargage du contenu des vésicules (perforines et granzymes) suivi de la mort de la cellule cible ((3) Figure 11).

b. Défaut moléculaires des vésicules sécrétoires des lymphocytes T CD8+

Les maladies héréditaires autosomiques récessives qui induisent une immunodéficience et un albinisme partiel résultent de défauts au niveau de la voie de l'exocytose des vésicules sécrétoires dans les cellules immunitaires et dans les mélanocytes (voir la revue de Del Val M. and Yewdell J.W., Nature Immunology 4, 1049-1050, 2003). La susceptibilité aux infections est due à un défaut des protéines de migration des vésicules et de relargage de la perforine et des granzymes (Figure 11 et Tableau 9). Ces défauts correspondent à des mutations au niveau de différents gènes (RGGT, AP3B1, CHS1, MYO5A ou RAB27A).

* Les vésicules sécrétoires sont aussi appelées granules. Dans le cas spécifique des cellules tueuses, les granules contenant de la perforine et des granzymes sont aussi appelés granules lytiques.

Tableau 9 - Gènes impliqués dans les immunodéficiences dues à des anomalies des lysosomes sécréteurs des lymphocytes T cytotoxiques CD8+

Gène Maladie associée
Nom du gène (1) Nom complet (1) Localisation chromosomique ID OMIM Autres noms Abréviation Nom complet ID OMIM
AP3B1 Adaptator-related protein complex 3, beta 1 subunit 5q14.1 603401 ADAPIN,
BETA-3A,
ADTB3A,
HPS2 gene,
HPS2
HPS2 Hermansky-Pudlak Syndrome type 2 608233
CHS1 Chediak-Higashi syndrome 1 1q42.1-q42.2 606897 CHS1 gene,
CHS1
LYST
CHS Chediak-Higashi syndrome 214500
MYO5A Myosin VA 15q21 160777 MYO5A,
Myosin,
Myosin Heavy Chain 12 MYH12
GS1 Griscelli Syndrome type 1 214450
RAB27A RAB27A, member RAS oncogene family 15q15-q21.1 603868 RAB27
RAS-Related gene from megakaryocyte RAM
GS2 Griscelli Syndrome type 2 607624
PRF1 Perforine 1 (pore forming protein) 10q21-q22 170280 Pore forming protein PFP,
P1,
HPLH2
FLH2 Familial Lymphohistiocytosis Hemophagocytic 2 603553

(1) Noms des gènes (symboles et noms complets) selon le Human Genome Organisation (HUGO) Nomenclature Committee (HGNC) https://www.genenames.org/.

Bibliographie

Created:
07/06/2004
Last updated:
22/09/2023
Authors:
Gérard Lefranc and Marie-Paule Lefranc
Editors:
Elodie Foulquier, Christel Godiris, Laurent Douchy, Chantal Ginestoux